Ci-dessous, des extraits de l’interview de Shirley TONG ON, présidente de l’association FSCS (1) paru dans l’article « #STOPFEMINICIDE du Clara Magazine n°176 de décembre 2019.
Nous sommes en 2020, mais à ce jour, et j’y reviendrai après l’interview, la situation des personnes sourdes n’a guère changé, les gouvernements se succèdent et sont toujours aussi sourds… comme des entendants qui ne veulent rien entendre.
Cette interview montre combien la situation des personnes sourdes, et particulièrement celles des femmes, est encore très compliquée par manque d’interprètes professionnels/les en LSF (langue des signes française) et de personnes maitrisant très bien cette langue, dans les structures d’accueil.
Situation particulière à la France car dans d’autres pays européens ou étranger, le statut de la langue des signes, entièrement reconnu, permet de développer des aménagements adaptés aux personnes sourdes. Je laisse donc la parole signée à Shirley.
« Je suis sourde et présidente de l’association FSCS (Femmes Sourdes Citoyennes et Solidaires) créée en 2003 à la suite d’un triste constat : les femmes sourdes n’ont aucune aide ni accompagnement dans des situations de détresse telles que les violences conjugales ou familiales …./…
Le principal problème étant qu’aucun accueil en LSF n’est proposé : ni dans les commissariats, ni dans les associations, ni dans les cabinets d’avocats/tes, ni aux tribunaux…
Notre association se focalise sur l’accompagnement des femmes sourdes, le nombre croissant de victimes est à mettre en regard avec le chiffre élevé des femmes victimes de féminicides. Les formes sourdes représentent une minorité invisible et inaudible. Malheureusement notre communauté connait des féminicides comme l’assassinat de J. X par son conjoint…/…
Toujours en nous focalisant sur la population des femmes sourdes, nous ne pouvons que souligner que nous sommes la seule association accessible sur tout le territoire français. C’est évident que d’autres femmes victimes à travers le pays se retrouvent isolées et sans accompagnement. Quand on voit que les agresseurs sourds plaident le handicap et la compréhension de la gravité de leurs actes, nous trouvons ça tout simplement scandaleux. Il est certain que les violences ont été minorées ou passées sous silence à cause du handicap de leurs auteurs…/…
Aucun accueil spécifique n’est prévu dans les commissariats et les femmes sont renvoyées chez elle sans pouvoir déposer plainte. La loi prévoit pourtant une égalité dans l’accès aux droits et les commissariats sont censés prendre en charge les frais d’interprètes ! On reporte les audiences, on a même vu des policiers contacter les conjoints entendants de femmes sourdes et échanger avec au téléphone devant la femme venue déposer plainte ! Quelle mise en danger inconsciente ! De la même façon, on demande aux enfants de traduire leur mère racontant l’agression commise par leur père. Certaines femmes sont privées de leurs comptes bancaires (violence économique) et donc ne peuvent pas venir retirer de l’argent sans autorisation de leur compagnon, il leur est donc compliqué de payer un/e interprète en cachette…/..
Pourtant, des solutions existent : faire appel à des interprètes diplômées/és professionnelles français/LSF* (Langue des Signes Française), faire appel à des inter-médiatrices/teurs permettant la communication avec des femmes ayant du mal à s’exprimer lorsqu’elles sont des étrangères, par exemple. Ajoutons aussi que la communauté des sourds est petite, « tout le monde se connaît ». La femme sourde d’un conjoint violent lui aussi sourd, prend le risque d’être rejetée par ses pairs sourds ; difficile, en effet, de croire la victime car son conjoint montre une bonne image en public.
La LSF n’a été reconnue qu’en février 2005 (en France) et la communauté sourde se mobilise aujourd’hui pour qu’elle soit reconnue dans la Constitution française…/…
A l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays, nous souhaitons que les fonctionnaires de police et de justice soient formées/és à l’accueil du public en situation de handicap.
À l’heure actuelle, on trouve dans des procès d’assises, des personnes non professionnelles traduisant de façon imprécise les propos des différentes parties…/…
Les femmes sourdes subissent une double exclusion et un double isolement : par leur bourreau et par la société…/…
Nous souhaitons des actions concrètes et efficaces : une formation au handicap et à la langue des signes pour les juristes et avocates/ts en formation ; des pôles justice accessibilité comme les pôles santé qui existent aujourd’hui ; la mise en accessibilité du 3919 sur le modèle de ce qui se fait avec le numéro d’urgence pour les sourds, le 114.
Pour ouvrir un compte à la banque postale, les personnes sourdes peuvent utiliser une application gratuite et bénéficier, toujours gratuitement, de la traduction d’un/e interprète à distance dans n’importe quel endroit en France. Pourquoi ne pas généraliser cette pratique dans les situations de violences faites aux femmes sourdes ?…/…
A l’heure actuelle, notre association n’est pas aussi efficace que nous le souhaiterions car nous souffrons du manque d’interprètes disponibles, du manque de professionnelles/ls compétentes/s bilingue LSF/Français et du manque de subventions qui nous permettraient de nous développer davantage. L’accès aux études universitaires et à la formation étant compliqué pour les sourdes/s.
Malgré cela, je reste optimiste car les choses ne peuvent que s’améliorer. Si les pouvoirs publics se saisissent de la question de l’accessibilité en s’inspirant de nos voisins européens ou américains nous auront fait déjà un grand pas ».
Shirley TONG ON, présidente de l’association FSCS (Femmes Sourdes Citoyennes et Solidaires) (1)
Merci Shirley de nous donner toutes ces informations précieuses. Je vais poursuivre en donnant des informations complémentaires
Un bref retour dans le passé … pour comprendre le présent
Des ponts pour pouvoir communiquer
La création des services d’interprètes n’est pas si lointaine et le métier, qu’il a fallut faire reconnaître à égalité avec les autres langues, s’est construit sur plusieurs années. Aboutissement d’une étroite collaboration des personnes sourdes avec les personnes entendantes, notamment lors de stages organisés par l’association 2 LPE . Stages destinés particulièrement aux parents d’enfants sourds et à des professionnelles/ls côtoyant le monde de la surdité. Bien évidemment, ces stages étaient des lieux sourd/e/s Land +++ et quasi toutes les personnes sourdes de France et d’au-delà s’y rencontraient. Les participant.e.s en ressortaient transformé.e.s et repartaient plein d’énergie après ces bains de LSF bénéfiques pendant une ou plusieurs semaines. Reboosté.e.s comme après toutes rencontres avec nos semblables avec qui nous partageons la culture, des croyances, des idéaux, des affinités… surtout quand nous appartenons à une « catégorie » opprimée, dans un système discriminatoire construit pour mettre de coté des minorités en droits. Moments intenses de rencontres.
Pour le métier d’interprète, vous pouvez vous informer sur le site de l’AFILS : Association Française des Interprètes et traducteurs en Langue des Signes (2).
Ci-dessous, les coordonnées de trois services d’interprètes en langue des signes, parmi les plus anciens créés à Paris (il en existe d’autres, aussi en régions) :
SILS service d’interprètes français/langue des signes
01 47 70 84 52 et 06 77 15 37 38
http://www.sils-interpretes.fr/
AgILS Interprètes indépendants Langue des Signes
www.agils.org/
Service d’interprète – CPSAS Institut National de Jeunes Sourds de Paris
01.53.73.14.24
http://www.injs-paris.fr/page/reserver-interprete
Éradication d’une langue, d’une identité et d’une culture
La langue des signes française fut bannie en 1880 au fameux congrès de Milan (Italie) où fut prônée la suprématie de la langue sonore des entendants, contre la volonté des personnes sourdes, cela va de soi. Congrès où 3 sourds participeront sur 255 entendants présents. Les arguments mis en avant d’ordre médicaux, culturels, psychologiques, religieux et idéologiques furent tout aussi stupides et scandaleux les uns que les autres (3).
On trouve toujours des raisons pour interdire quelque chose qui dérange un ordre établi (une façon de se comporter, une différence de culture, de mode d’expression..). Les voix des puissants ne sont pas forcément les plus ouvertes et les plus bienveillantes.
La répression qui s’en suivit fut terrible en France : violences physiques et psychologiques envers les enfants sourds pour les obliger à apprendre la langue sonore, donc à parler oralement et entendre et, par-là même, oublier, nier leur langue et inculquer une image dévalorisée des personnes sourdes. Les adultes sourds subirent des discriminations dans une incompréhension totale qui perdurent encore de nos jours !
Les personnes diplomées n’ont pas toutes les connaissances !
Lors d’une manifestation pour la reconnaissance de la LSF, dans les années 1980, un médecin réputé me provoqua en me répondant que « la langue des signes n’était pas une langue (4) et que ces gesticulations assimilaient les sourds à des singes ». Il ignora ma question qui lui demandait ce qu’il connaissait de la langue des signes et de l’histoire de la communauté sourde, et dont je connaissais la réponse. Je vous laisse deviner les cris de mes ami.e.s sourd.e.s à qui j’avais traduit ces propos et avec qui je ripostai contre cet inculte insolent et irrespectueux.
Un autre me dit que « ce langage (!) n’était que du petit nègre » auquel je répondis que le « petit négre » était une expression coloniale raciste qui n’existait que pour des interprètes incompétents et ignorants.
Actuellement grâce aux combats des associations et l’appui de chercheurs comme Bernard Mottez, linguistes comme Christian Cuxac, psychanalystes comme Françoise Dolto et André Meynard, médecins comme Jean Dagron co-fondateur des consultations en langue des signes dans les hôpitaux (commencées à la Salpêtrière à Paris à partir de 1995), il n’est plus possible d’entendre des propos indignes et révoltants comme ceux-ci.
En bref, après 1880, les sourds furent contraints de parler, entendre et lire sur les lèvres, l’oralisme pur et dur ! La si belle langue sonore des entendants étant considérée comme LA référence. Et les personnes sourdes devinrent des personnes à soigner et à réparer, désignées comme « déficientes auditives » à rééduquer. L’identité Sourde disparut…presque.
Une langue vitale transmise en cachette
Par chance, les enfants continuaient de la pratiquer en cachette dans les instituts pour sourds quand ils avaient la chance d’y être pensionnaires (ou la chance d’avoir des parents sourds qui pratiquaient la langue en famille). Opportunité de côtoyer des semblables et de transmettre leur langue aux nouveaux arrivants. Ce qui explique, en partie, la différence entre certains signes pratiqués dans les instituts pour sourds, car cette langue évoluait en parallèle dans des régions et écoles différentes.
Mais pour la majorité des personnes sourdes, leur isolement et le manque d’identification avec des semblables, transformaient leur enfance en de véritables cauchemars, surtout dans les familles entendantes (majoritaires) avec laquelle la communication restait beaucoup trop basique et restreinte, quand il en existait une !
Les parents ne sont pas à blâmer, sans ou trop peu d’information et avec les recommandations stupides de « surtout ne pas utiliser ce langage signé et de ne pas fréquenter des sourds » ! (voir livres bien documentés sur le sujet ci-dessous), les familles se débrouillaient comme elles le pouvaient.
95% des enfants sourds naissent dans des familles entendantes. Situation singulière car la transmission langagière et culturelle pour la majorité des enfants sourds, se fait en dehors de leur famille entendante.
Bien souvent, j’ai rencontré des personnes sourdes qui imaginaient, étant enfants, qu’elles ne deviendraient jamais adultes ou bien qu’elles allaient mourir en grandissant, faute de rencontrer des adultes sourds à qui s’identifier pour se construire. C’est ainsi que les choses se passaient et les angoisses des enfants se posant des questions sans pouvoir les formuler ni obtenir de réponses, sont des situations qui ne devraient plus exister. Ce qui n’est pas encore le cas hélas.
A mon avis, toute personne informée de l’existence de la langue des signes, qui n’informe pas les parents de l’existence de cette langue ou la dénigre, devrait être poursuivie pour mise d’enfant en danger. Priver un enfant de communication adaptée à son identité est criminel et cruel.
Je le dis ainsi car j’ai suffisamment été témoin pendant toutes ces années de travail et militantisme aux côtés des personnes sourdes, des conséquences psychologiques engendrées par l’interdiction de leur langue qui les a marqué à vie à cause de leur enfance volée. Ces adultes sourds avec qui nous nous sommes battus, pour la plupart décédés, n’auront pas eu le bonheur de connaitre une réelle reconnaissance de leur langue, surtout dans les milieux scolaires.
L’interdiction de la langue des signes a été, et est, une des plus grandes discriminations organisées de l’humanité. Les conséquences de ce passé et l’indifférence des pouvoirs politiques face à cette discrimination flagrante, notamment en France particulièrement rétrograde sur la question, fait qu’il reste encore beaucoup à faire. Nous ne pensions pas qu’après tant d’années de luttes, nous n’arriverions à si peu de résultats. Si les situations de vie des personnes sourdes ont changé, c’est en grande partie grâce au travail incommensurable des associations militantes et de leurs allié/es à cette cause.
Les conséquences du congrès de Milan, qui fut une mascarade et dont les dés étaient pipés dès le départ, furent terribles pour toutes les personnes sourdes(4).
Après cette réforme de 1880, beaucoup de sourds devinrent analphabètes et incultes à cause d’un enseignement oraliste non adapté. Les personnes qui réussissaient à poursuivre des études et obtenir des diplômes, n’ont quasi jamais connu les jeux de l’enfance. Ces réussites ont été obtenues au prix d’un travail acharné et souvent, avec de grandes souffrances et frustrations.
D’autres, se sont instruits en autodidacte. Après quelques mois de cours de français écrit avec une professeur maitrisant très bien la langue des signes, j’ai vu des progrès en écriture et lecture par un adulte sourd avec qui je travaillais, alors qu’il n’avait quasi rien retenu des cours de son enfance avec la méthode oraliste « pure ».
Voilà un abus de pouvoir flagrant d’une majorité entendante sur une minorité sourde qui a une odeur de colonisateur.
Des sourds et des parents d’enfants sourds décident de réhabiliter la langue des signes
Dans les années 1970 en France, trois associations militantes se sont créées pour réhabiliter la langue des signes. Langue à l’époque encore très réprimée voire interdite dans les milieux scolaires. Des parents d’enfants sourds vinrent aussi demander à des adultes sourds de leur enseigner leur langue ainsi qu’à leurs enfants sourds.
Ces trois premières associations furent : IVT (Institut Visual Theater dont Emmanuelle Laborit en est co-présidente), l’ALSF (Académie de la Langue des Signes Française, créée en 1978 essentiellement par des anciens élèves sourds de l’institut de Jeunes sourds de Paris dont Guy Bouchauveau) et 2LPE (2 langues pour une éducation : langue des signes et français écrit) orientée particulièrement vers l’éducation.
Hélas, après toutes ces années de lutte, la langue des signes n’a pas la place qu’elle devrait avoir. Notamment dans les écoles dites « spécialisées » pour enfants sourds où la langue des signes n’est pas ou si mal pratiquée par le corps enseignant.
C’est en 1985 que l’association 2LPE ouvrent les premières classes bilingues (enseignement des enfants sourds EN langue des signes ET français écrit) depuis l’interdiction de la LSF. Les premières villes furent Poitiers (86), Chalons sur Saône (71) et Ramonville (31) dans laquelle deux enfants sourds, mon neveu Mickaël, et Juliette, ont eu la chance d’avoir une maitresse sourde, Martine BRUSQUE.
J’ai donc des racines africaines (5) et du « sang sourd » et cela me va très bien.
Si grâce au travail militant de ces associations, la LSF a pu reprendre une certaine légitimité en France, hélas, l’accès à un enseignement EN LSF de la petite enfance à l’université est loin d’être gagné.
Aujourd’hui encore, bien que dans les textes de loi, il est écrit « Les parents d’enfants sourds ont le choix pour l’éducation de leurs enfants », ces parents sont majoritairement placés dans des situations où ce choix n’existe pas, faute de structures où la pratique de la LSF est quasi inexistante. Beaucoup d’entre eux décident de déménager, avec toutes les conséquences qui en suivent de recherche de logement, de nouveau travail etc…, vers des rares villes où l’accès à un enseignement EN langue des signes est possible. Actuellement, les classes réellement bilingues se comptent toujours sur les doigts de la main ! Voir le site de l’ANPES (6), association nationale de parents d’enfants sourds .
Pour une vue d’ensemble sur le vécu des sourds et leur langue, je conseille ces livres parmi les ouvrages existants :
- « Le cri de la Mouette » d’Emmanuelle LABORIT qui est son témoignage (Emmanuelle est une comédienne sourde qui reçu en 1993, le Molière de la révélation théâtrale pour son rôle dans « Les Enfants du silence »). Editions Laffont ou poche
- « Surdité, l’urgence d’un autre regard. Pour une véritable accueil des enfants sourds » (très bien documenté sur l’histoire de la LSF et ses conséquences actuelles désastreuses dans l’éducation) et « Des mains pour parler, des yeux pour entendre » d’André MEYNARD Editions Eres.
Si vous voulez apprendre cette langue, prenez des cours auprès de personnes sourdes professionnelles car, comme toutes les langues, elle ne s’apprend pas dans un livre, même si les dictionnaires de la LSF d’ IVT sont de très bons supports. Et soyez critique à travers ce que vous entendez sur la langue des signes … surtout par les personnes ne fréquentant pas, ou trop peu, les personnes sourdes par exemple. Et évitez de dire « Sourds-muets », les personnes sourdes ne sont pas muettes puisqu’elles ont une langue.
Je vais terminer en vous racontant une histoire vécue.
Adapter l’environnement aux enfants et aux adultes sourds pour rendre la vie plus facile
Un jour, alors que je transmettais à une maman d’enfant sourd venue apprendre la langue des signes, une documentation sur l’installation de flash lumineux à adapter sur les sonneries, cette dame me répondit que c’était trop tôt car son enfant de 3 ans ne répondait pas au téléphone ! Je lui expliquai l’importance, pour son fils, qu’il comprenne en temps réel certains de ses comportements. Par exemple, pourquoi il voyait sa maman se déplacer vers un appareil qu’elle portait à son oreille ou pourquoi elle se dirigeait vers la porte de l’entrée, puisqu’il n’entendait aucun son !
Après quelques instants de réflexion, j’ai vu des larmes couler des yeux de cette femme. J’ai souvent vécu ce genre de scène émouvante avec les parents, trop isolés le plus souvent face à la différence de leur enfant.
Une fois remise de ses émotions, elle me confia comprendre enfin le comportement étrange de son enfant qu’elle ne s’expliquait pas : à plusieurs reprises, elle le voyait tout content se diriger vers la porte de l’entrée pour l’ouvrir, mais une fois la porte ouverte, il devenait tout triste.
Suite à notre discussion, cette situation fut élucidée : quand la mère allait ouvrir la porte, la grand-mère du petit qui venait le garder de temps en temps et qu’il adorait, apparaissait derrière comme par magie ! Alors que lui, quand il ouvrait la porte, il ne voyait aucune grand-mère derrière, et cette situation incompréhensible le rendait triste.
Cette femme m’annonçât quelques jours après avec de la joie au coeur, qu’elle avait fait adapter des flahs par un électricien sur les sonneries de la porte d’entrée et du téléphone.
J’ai toujours gardé le livre qu’elle m’avait offert en remerciement…même si mon plus grand cadeau fut d’avoir eu l’opportunité de faire comprendre à cette maman qu’elle pouvait transformer la vie de son petit enfant sourd, tout simplement en adaptant son environnement.
Vivre avec un enfant sourd est aussi source d’ouverture sur d’autres façons de vivre un quotidien.
REFERENCES
(1) L’association FSCS – Femmes Sourdes Citoyennes et Solidaires – est domiciliée à la Maison des Femmes de Paris. Permanences sur le site de la MDF.
(2) AFILS Association Française des Interprètes et traducteurs en Langue des Signes. www.afils.fr
Lire aussi : Florence ENCREVE, Alexandre BERNARD, Francis JEGGLI : « L’interprétation en langue des signes ». Editions puf
(3) « La Langue des Signes Française (LSF) : les voies de l’iconicité » Christian CUXAC, linguiste et professeur en sciences du langage. Paris-Gap, Ophrys. Depuis cette thèse en deux volumes, plus personne n’osera prétendre que la langue des signes n’est pas une véritable langue. Et pan ! !
(4) Réflexions sur le congrès de Milan et ses conséquences sur la langue des signes française à la fin du XIX siècle https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2008-2-page-83.htm#
(5) Les ancêtres de toutes les personnes humaines, viennent d’un continent appelé actuellement Afrique. Hors de ce continent, nous sommes toutes et tous des émigré.e.s. Nos diversités physiques ne sont que le fait d’une évolution dans des environnements différents.
(6) ANPES Association Nationale de Parents d’Enfants Sourds : http://www.anpes.org/
Sur la première photo, au milieu avec sa casquette, notre cher ami Guy BOUCHAUVEAU, avec qui nous avons milité pour la langue des signes pendant tant d’années. Il porte la banderole de l’ALSF, association dont il fut un des co-fondateurs. A partir de 1986, Guy fut devenu le premier animateur scientifique sourd à la Cité des Sciences et de l’Industrie (grâce à la volonté de Marie-Laure Las Vergnas, chargée de l’accessibilité à la Cité des Sciences à Paris). La première fois que des personnes sourdes pouvaient poser des questions en visitant un musée et obtenir des réponses (1986 !). Vous pouvez trouver plusieurs formes d’hommages à Guy sur internet car il nous a quitté récemment.
Je vais vous raconter une des anecdotes vécue avec Guy. Pour vous, puisque vous avez lu jusque là.
Un jour, un ministre entendant, qui, handicapé des membres inférieurs et se déplaçant en fauteuil roulant, rencontra Guy lors d’une exposition. Leur conversation était traduite par une interprète professionnelle en LSF. Le ministre en vient à dire à Guy : « Mais les sourds peuvent parler !! » et Guy de lui répondre fermement avec un peu de colère dans les signes « Mais vous alors, vous pouvez aussi marcher !? ». Un grand silence pris place ensuite, j’avais l’impression de marcher sur des œufs sans manquer d’échanger un clin d’œil avec Guy. Plaisirs de savourer des moments de complicité quand la cause juste est partagée.
Les personnes dites « handicapées » (par rapport à quoi ? à qui ? à quelle société ?) ont chacune leur spécificité. Il faut se méfier du mot « intégration » qui ressemble trop souvent à « assimilation ». Avoir la volonté d’effacer, de nier la particularité d’une personne différente pour qu’elle ressemble à une norme, équivaut à ne regarder la vie qu’en noir et blanc (trop souvent en blanc d’ailleurs !). Or le monde est de toutes les couleurs, c’est ce qui en fait sa richesse.